Incidents, accidents: pourquoi une protection juridique spécialisée?

 

UNE PROTECTION JURIDIQUE SPECIALISEE: POURQUOI ?

 

 

A l’initiative de Ramiro Riera, inspecteur général de l’administration honoraire, ancien sous-directeur du conseil juridique et du contentieux du ministère de l’intérieur, et de Jean-François Di Chiara, préfet honoraire, avocat au barreau de Paris, notre association a entamé des négociations pour assurer à nos adhérents une couverture juridique systématique au cours de leurs missions.

 

Certains d’entre-nous l’ont constaté en effet, souvent à leurs dépens, partir à l’étranger n’est pas exempt de risques. Les risques « classiques », maladie, accident, soins urgents, sont en général assez bien couverts par les assurances traditionnelles. Ces protections sont fournies par les sociétés ou les Administrations employeuses, certains produits d’assurance-vie, la carte verte du véhicule, la carte de crédit avec laquelle vous avez payé votre voyage, ou encore une assurance accidents et rapatriement ad hoc assez facile à trouver.

 

En revanche, la situation spécifique de l’expert international est le plus souvent peu, pas ou mal prise en compte. Quelques cas concrets – pour montrer que cela n’arrive pas qu’aux autres – permettront de mieux cerner la situation. (nota : à quelques détails près, et notamment des noms de lieu ou d’organisations, il s’agit de la description de cas réels)

 

 

Cas pratique numéro 1 : les mauvais payeurs…

 

Cas pratique numéro 2 : l’organisation de l’élimination d’un appel d’offres

 

Cas pratique numéro 3 : l’éviction sous un prétexte après le début du projet

 

Cas pratique numéro 4 : l’accident de la route

 

Cas pratique numéro 5 : l’arrestation arbitraire…

 


 

Cas pratique numéro 1 : les mauvais payeurs…

 

          C’est probablement le cas le plus fréquent, et le plus banal : l’entreprise qui vous a employé ne paye pas, ou paye très, très tard, ou retient sur les sommes convenues des frais de change, ou de transfert, qui ne sont pas prévus au contrat initial…

 

Il n’appelle pas beaucoup de commentaires, sauf que l’on est fort démuni dans ces hypothèses, et que l’assistance d’un avocat ou d’un conseil est là-encore bien utile. Relevons que dans ces situations l’imagination des employeurs mauvais payeurs – heureusement, il s’agit de cas limités -  est parfois assez développée : nous vous paierons quand nous aurons reçu les paiements d’un tiers (le plus souvent, les paiements du bailleur de fond, bien que l’expert n’ait aucune relation juridique avec celui-ci) ; nous vous paierons lorsque notre rapport (initial, intermédiaire, final…) aura été approuvé, nous vous paierons le solde à la fin du projet (dans un, deux ou même trois ans…)….

 

 

Cas pratique numéro 2 : l’organisation de l’élimination d’un appel d’offres

 

Monsieur Y, spécialiste en retraitement des déchets nucléaires, repère un appel d’offres de la Commission européenne qui l’intéresse particulièrement. Le projet porte sur l’amélioration de la filière de retraitement des déchets nucléaires sur la CEI. C’est un sujet que Monsieur Y connait particulièrement bien, car il a déjà travaillé dans des projets similaires avec la Banque mondiale, et sur la même zone. En outre, il est parfaitement russophone, et il s’agit d’une langue pratiquée dans tous les pays sur lesquels se déroulera le projet. Autant dire que son CV est particulièrement adapté pour répondre à cet appel d’offres, et que l’entreprise qui pourra compter avec lui a de sérieux atouts pour remporter le marché. Monsieur Y le sait, et du coup entend obtenir un contrat intéressant pour prix de sa participation à l’appel d’offres. L’entreprise Z, qui est en contact avec Y, comprend que laisser Y s’adresser à un concurrent diminue fortement ses propres chances de succès. Aussi concède-t-elle un accord financier avantageux pour Y, qui l’accepte, signe un « statement of availabiliy » (déclaration de disponibilité) qui l’engage à travailler avec l’entreprise Z, et rompt les négociations qu’il avait entamées avec une autre entreprise sélectionnée pour participer à cet appel d’offres.

 

Cependant Z trouve que cet accord n’est pas le meilleur pour sa marge bénéficiaire. Elle trouve un autre expert, s’entend avec lui, puis à 5 jours de la remise des offres annonce à Y qu’elle lui rend sa liberté. Il est trop tard pour que Y ait le temps de s’entendre avec un concurrent, et de fait le CV de Y n’apparaitra dans aucune des offres soumises en réponse à cet appel d’offres. Y comprend, mais un peu tard, que l’entreprise Z a simplement manœuvré pour écarter un expert dont la présence dans l’appel d’offres aurait compromis ses propres intérêts…

 

Y a perdu, du fait de cette manœuvre, toute chance de participer à l’appel d’offres, et souhaiterait obtenir réparation de ce préjudice, mais ne peut pas ou ne veut pas engager des frais d’avocat. Une  assurance spécifique lui aurait permis d’engager une action sans avancer lui-même aucune somme d’argent..

 

 

Cas pratique numéro 3 : l’éviction sous un prétexte après le début du projet

 

Z est content. Il a participé à un appel d’offres de l’UNDP, il a été choisi comme team-leader d’un important projet de restructuration des filières agricoles et vinicoles au Tougounizistan inférieur.

 

Le projet doit durer trois ans. Dès le premier mois, Z forme son équipe et engage des pourparlers avec quelques spécialistes du blé et du vin au Tougounizistan inférieur. Il a pris contact avec le représentant du pays bénéficiaire comme avec le gestionnaire du projet pour l’UNDP. Ce dernier lui dit qu’il aimerait bien que sa concubine soit employée dans le projet. Malheureusement, celle-ci est une visagiste qui n’a aucune expérience en matière d’agriculture. En outre, elle exige une rémunération au moins double de celle des experts spécialisés avec lesquels Z est en pourparlers. Z tente d’expliquer au gestionnaire du projet de l’UNDP que son souhait ne peut malheureusement pas être exaucé tant que sa concubine n’aura pas acquis une solide expérience dans le domaine agricole et vinicole au Tougounizistan. Mais son interlocuteur s’émeut, insiste, et réclame le changement d’expert auprès de l’employeur de Z. Ce dernier, craignant des difficultés ultérieures dans la gestion du marché, licencie Z sous un prétexte étranger au refus opposé par Z à l’embauche de la jeune personne.

 

Z aura besoin, dès que la menace de licenciement se dessinera, des conseils d’un avocat spécialisé que ne lui fournira aucune des assurances actuellement proposées aux experts internationaux en mission.

 

 

Cas pratique numéro 4 : l’accident de la route

 

Monsieur A travaille à la construction de plateformes pétrolières  au large de la Bloukirie. Il est sous-traitant pour la mise en place des installations électriques d’éclairage de ces plateformes. Il se rend tous les matins au bureau dans une voiture qu’il a achetée sur place. Il a remarqué que les routes sont souvent encombrées de piétons ou de cyclistes, à peine visibles car habillés de vêtements sombres qu’il fasse jour ou nuit, sans aucune conscience du danger que représente la circulation routière.

 

Un soir, l’inévitable se produit : en haut d’une petite côte, à l’entrée d’un virage, une tête heurte le pare-brise de la voiture de A, qui n’a même pas eu le temps de se rendre compte de ce qui se passait. Un homme s’est élancé sur la route, sans regarder à droite ni à gauche, et est littéralement passé sous ses roues.

 

Après avoir transporté la victime à l’hôpital, où elle décédera quelques heures plus tard, A est conduit dans les locaux de la police locale, où commencent les pourparlers. Très vite, A comprend que comme étranger, il a droit à un traitement de faveur dans tous les sens du terme : certes, il n’est pas incarcéré immédiatement. Mais il comprend vite, à la fois, qu’il lui faudra payer plus cher que les nationaux, et d’autre part, qu’il ne peut pas mener les négociations lui-même car les policiers craignent d’être dénoncés. Il lui faut trouver un avocat local pour traiter cette affaire. Il se retourne  le soir même vers l’assurance locale qu’il avait souscrite, le pays n’étant pas couvert par le système de la carte verte. Mais l’assurance locale refuse d’intervenir en amont d’un éventuel procès. A défaut d’une assurance spécialisée, il lui faudra donc trouver et rémunérer lui-même un avocat susceptible d’éviter que l’affaire de se trouve évoquée au tribunal – où les prix seraient inéluctablement supérieurs - …

 

 

Cas pratique n°5 : l’arrestation arbitraire…

 

Monsieur X, expert international, est en déplacement dans la banlieue de Donetsk, Ukraine, où il arrive de nuit, au volant de sa voiture, après avoir  conduit sa voiture pendant trois jours. Au moment où il descend du véhicule, une patrouille de police, avisant sa tenue très décontractée – il est en bras de chemise malgré la température extérieure car il sort du véhicule pour se rendre quelques mètres plus loin chez un ami qui l’héberge, et il porte une barbe de trois jours car il a conduit sans arrêt de Paris à Donetsk – l’interpelle.

 

Incapable de s’expliquer en russe ou en ukrainien, il finit par s’énerver de ces policiers qui le dérangent au moment même où il s’apprête à entrer chez son ami. Les policiers l’interpellent rudement, le plaquent au sol sans ménagement, le menottent, et l’emmènent au « Sizo », équivalent de nos locaux de garde à vue. Malgré l’intervention de son ami qui a vu la scène, malgré l’intervention téléphonique du consulat qui ne peut se déplacer immédiatement, il est maintenu en détention et sera présenté au procureur. Il lui faudra trouver un avocat en urgence alors qu’il n’en connait pas, car une procédure pénale est engagée à son encontre pour « insoumission » (« Niepovinnost »). L’assurance rapatriement qu’il avait souscrite ne lui est malheureusement d’aucune utilité dans ce cas, et il devra lui-même trouver un avocat, le payer, et également, éventuellement, consentir à désintéresser certaines des parties prenantes afin que l’affaire n’aille pas plus loin.

 

 

 

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